La lumière ou le feu est indispensable 
à la production de certaines opérations chimiques.
...
Sous le rapport de la sensibilité, 
je pense qu'il en va de même.

André Breton
Je vis assis, tel qu’un ange aux mains d’un barbier,
Empoignant une chope à fortes cannelures,
L’hypogastre et le col cambrés, une Gambier
Aux dents, sous l’air gonflé d’impalpables voilures.
Tels que les excréments chauds d’un vieux colombier,
Mille rêves en moi font de douces brûlures ;
Puis par instants mon cœur triste est comme un aubier
Qu’ensanglante l’or jaune et sombre des coulures.
Puis quand j’ai ravalé mes rêves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et me recueille pour lâcher l’âcre besoin.
Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes,
Je pisse vers les cieux bruns, très haut et très loin,
Avec l’assentiment des grands héliotropes.

Oraison du soir
Arthur Rimbaud
1871
N'égraine pas le tournesol.
Tes cyprès auraient de la peine.
Chardonneret. reprends ton vol
Et reviens à ton nid de laine.
Tu n'es pas un caillou du ciel
Pour que le vent te tienne quitte.
Oiseau rural ; I'arc-en-ciel
S'unifie dans la marguerite.
L'homme fusille cache toi ;
Le tournesol est son complice
Seules les herbes sont pour toi
Les herbes des champs qui se plissent.
Le serpent ne te connaît pas
Et la sauterelle est bougonne :
La taupe, elle, n'y voit pas ;
Le papillon ne hait personne
Il est midi chardonneret.
Le séneçon est là qui brille
Attarde-toi va sans danger :
L'homme est rentré dans sa famille !
L'écho de ce pays est sûr.
J'observe, je suis bon prophète ;
Je vois tout de mon petit mur
Même tituber la chouette.
Qui, mieux qu'un lézard amoureux.
Peut dire les secrets terrestres ?
O léger gentil roi des cieux.
Que n'as tu ton nid dans ma pierre !

Complainte du lézard amoureux
René Char
1947